A la rencontre des forêts de Sibérie

Il y a  parfois des récits qui résonnent en nous, des livres qui nous bousculent. Lors de mon enfance, certains livres me brûlaient presque les mains et je devinais derrière les mots leur puissance. Dans les forêts de Sibérie est un récit qui m’a longtemps habité,  me faisant  sortir de mes certitudes et peut-être même… de moi.

Dans les forêts de Sibérie est un roman de Sylvain Tesson publié aux éditions Gallimard en 2011. Ce livre, loin d’être une simple fiction, est en réalité le journal tenu par  l’auteur durant ses six mois passés en Sibérie dans une cabane. Sylvain Tesson  relate au fil des lignes son aventure  près du lac Baïkal.  D’abord considéré et présenté comme un roman d’aventure lors de sa sortie, ce récit est un hymne à l’immobilité, à l’introspection,  à la contemplation et à la littérature. C’est en réalité dans cette solitude sibérienne que l’auteur reconsidère sa vie.

Les thèmes qui m’ont le plus intéressés dans ce roman sont la littérature et la marche.

Sylvain Tesson part seul mais apporte des livres qui seront ses compagnons de vie durant ce voyage. La littérature devient le médium qui permet la réflexion. La cabane n’est alors pas un simple lieu de vie mais devient un abri idéal pour réfléchir, un lieu propice à la lecture.

Le mouvement de la marche est également associé à la réflexion et permet à l’auteur de se questionner en permanence. Le thème de la marche est un motif cher à la littérature et permet bien souvent la pensée (Rousseau) ou encore, la création (Rimbaud). La marche devient chez Sylvain Tesson une manière de se relier au monde et suppose un engagement total du corps. Ce sont d’ailleurs dans certains passages  les pas du marcheur qui semblent donner au livre son rythme. La marche a au sein du roman une dimension poétique mais également, une dimension phénoménologique ou encore,  philosophique.

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La figure du marcheur est très intéressante par le contraste qu’elle suppose. Le marcheur est celui qui est ancré sur le sol mais, qui a toutefois le regard tourné vers l’horizon et, qui est sur le départ. Cette figure est celle d’un sujet sans cesse en mouvement, pris entre le présent et le devenir. La marche est chez Tesson  une activité voisine de la pensée et permet à la pensée de se réaliser dans le monde. Elle engage par exemple la perception et suppose un rapport à l’espace.

Sylvain Tesson procède également à une critique du monde numérisé et dépourvu d’imprévus dans lequel l’existence est suspendue aux nouvelles technologies.  Son nomadisme est une manière de s’opposer à la société et de fuir cette réalité.

Le lecteur devient  aussi au fil des pages un marcheur qui reconsidère sa propre existence et son rapport au monde. Dans les forêts de Sibérie permet de repenser notre rapport au temps et notre liberté. Après la lecture de ce roman,  la vie semble différente et on se surprend à  rêver de forêts enneigées ou encore, à une cabane au bord d’un lac. Peut-être faut-il comme Tesson faire une pause pour habiter pleinement l’espace.

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